Ka-Ku-Ren-Bô -19/06/14-Shikigami p.65 (DC Russel)

"Vous avez dix minutes. Après vous, j'ai encore un lecteur DVD hanté et un oni malade en train de dévaliser une pharmacie. Je vous écoute."

Ces deux petits morveux sont les fils adoptifs d'un des juges influents de Tokyo.

Accessoirement, ce sont des tengu, des esprits corbeau.




"Nous vous avons convoqué…"

"…Kondo-sama, nous avons donc…"

"…Tout le temps nécessaire."

Fils de juge, ils ne pouvaient pas mieux choisir leur situation, ces deux emplumés. Les tengu ne sont pas des nuisibles comme les chats ou les renards, ce sont à la base des êtres sacrés.




"Vous n'avez certainement pas les moyens de me "convoquer". Je suis venu pour un entretien diplomatique et vous voudriez me provoquer que vous ne vous y prendriez pas autrement."

Seulement, le "sacré" chez moi est très relatif.




"Ou votre honorable papa veut que je vous administre la raclée maison dont il n'est pas capable ?"

TRES relatif, j'insiste.

Mais sacré ou pas, les tengu disposent d'une puissance qui n'est pas à négliger, ils sont chargés de châtier les prêtres ou les guerriers vaniteux.




"????"

Et la punition fait généralement mal. Un simple contact suffit…Quoique je n'y avais jamais vraiment goûté jusqu'à aujourd'hui.




"Nous avons entendu…"

"…A votre sujet bien des choses…"

"…Et bien des plaintes."

"Vous avez rendu justice seul…"

"…Ce n'est pas votre fonction. Vous apparaissez dans les journeaux…"

C'est donc ça…

Jusqu'à maintenant, les jumeaux s'étaient limités aux industriels un peu trop gourmands de la capitale, histoire de les remettre à leur place. Je n'avais pas envisagé être sur leur liste…

Récemment, quelques journalistes de tabloïd me sont tombés dessus alors que je faisais un cours de diplomatie un peu musclé à deux ou trois bakeneko. Titré "le gouvernement se paie des gros bras". J'en ai tellement rigolé que j'ai encore mal.




"L'onmyôji est un être humble, Kondo-sama…"

"…Humble et soumis, sans aucun doute, il n'est que le serviteur de l'équilibre…Il n'a pas à s'afficher."

Et visiblement, ça n'a pas fait rire tout le monde.




"…Serviteur qui ne doit jamais oublier sa place."

"Vous êtes arrogant , bien trop…"

"Oui bien trop ! Vos échecs vous apprendront l'humilité…"



"Ou vous serez puni."




"Puni…Et je devrais avoir peur ?"




"Vous me prenez pour qui ? Un bonze ? Un employé ? Ce n'est pas les tabloïd que vous devriez lire mais des bouquins d'histoire."



"Humble ? Soumis ? Les onmyôji ? Vous avez déjà vu un Kondo se SOUMETTRE à un yôkai ?"




"Ou c'est simplement de la jalousie mal placée...Ça vous ressemblerait bien, à l'un comme l'autre."




"Mon clan est un ramassis d'arrivistes qui fait concurrence à votre petite justice et je ne fais pas exception à la règle. L'équilibre ? Ne me faites pas marrer…"




"L'équilibre c'est de l'utopie, une jolie sucette que les onmyôji brandissent sous le nez des yôkai et des humains depuis des siècles, en sachant qu'il ne sera jamais possible. Nous sommes payés par les pseudo pacifistes dans votre genre qui flippent à l'idée d'un conflit ouvert."




"…et qui restent à l'abri en s'imaginant qu'ils peuvent rendre la justice sans foutre les mains dans la merde. Vous êtes de pathétiques brasseurs de vent. Logique pour des corbeaux. Essayer de m'intimider pour trois clichés dans un tabloïd…"




"Mais je suppose que le photographe a été "puni" lui aussi ? Une pichenette comme moi ou un bain de pied dans la baie de Tokyo ? Mes amitiés à votre père."

Les tengu sont devenus des observateurs pleutres qui tentent vainement de faire le boulot que j'assure à leur place en s'appuyant uniquement sur une légitimité qu'ils n'ont plus.

Je ne l'ai pas beaucoup plus, ceci dit…Et contrairement à eux, les Kondo n'ont jamais travaillé en s'appuyant sur des idéaux de justice. Celle des hommes vaut ce qu'elle vaut. Je suis juste une sorte d'homéopathie pour le monde, quand il lui faudrait une bonne chimio. Alors m'entendre dire que je suis arrogant…

…Est parfaitement justifié.