Nuages - partie 1 - [pullips full-custo] en page 4

Commençons cette histoire par il était une fois, un « il était une fois » de conte de fée. Pourtant cette histoire n'est pas forcement belle, loin de là. Elle est assez étrange à bien y réfléchir mais j'ai quand même envie de vous la faire partager. Elle me plaît cette histoire, elle fait voyager surtout, voyager loin, très loin, trop loin.
Cette histoire, elle commence dans une petite ville quelconque, peut importe son nom il ne sera pas utile pour la suite. Dans cette ville vivaient des gens comme les autres. Des gens effrayés, tortueux, envieux, qui essayaient de se contenter de morceaux de vie. Pourtant parmi ces gens inintéressants vivait une jeune fille rêveuse. Elle se détachait de la masse noir par ses couleurs et son sourire chatoyant. Pourtant personne ne faisait attention à elle, personne n'essayait de découvrir les trésors qu'elle possédait dans son imaginaire. Ce n'était pas très bon d'être différent, alors les gens se contentaient de l'ignorer. Ils devaient juste avoir peur. Car cette jeune fille avait un pouvoir incroyable, celui de l'imagination. Une imagination débordante qui faisait vivre les livres et s'animer les fleurs. Cette jeune fille, qui s'appelait Céleste, adorait lire sous les branches protectrices du grand saule pleureur qui peuplait une prairie voisine à la ville. Elle allait souvent là-bas, pour respirer un peu, pour se libérer surtout. Se libérer de toutes les chaînes dont on l'entourait à coup de « tu dois ». Alors elle, elle se bouchait les oreilles et fuyait aussi vite que le vent pour retourner dans sa bulle, dans son petit monde que l'on s’efforçait de briser. On avait réussi d'ailleurs, à le détruire, plus d'une fois, mais Céleste le reconstruisait toujours avec patience et amour. Au pied du grand saule il y avait une mare où nageaient des grenouilles. Il y en avait une incroyable qui chantait comme une folle toute la journée. Sa voix un peu roque berçait notre demoiselle et l'endormait même parfois. Un jour de printemps, alors que le pollen porté par la brise venait chatouiller les oiseaux et que les fleurs se préparaient pour le défilé de leur courte vie, Céleste s'installa comme à son habitude sous le grand saule. Elle aimait caresser son écorce toute dure et vieillie, elle avait l'impression d'y voir des visages, des sourires, toutes ces choses qui lui manquaient dans sa ville de noirceur. Elle venait de se baigner dans la mare, la noirceur justement, ça a tendance à coller à la peau et à s’emmêler dans les cheveux, elle voulait être présentable avant de profiter de l'ombre de l'arbre. Elle avait entre ses mains un livre merveilleux intitulé « Contes pour une grenouille en gélatine » qui regroupait des histoires de rêves. Portée par le flot de mots et le chant de la jolie grenouille la demoiselle finit par s'endormir doucement... Elle fut vite réveillée par une voix qu'elle connaissait bien.
-Hey debout là-dedans, debout vite vite !
La voix se faisait pressante, presque affolée. Céleste ouvrit les yeux avec lenteur, la fatigue lui pendait au paupière comme du plomb. Elle regarda en direction de la voix et reconnu la grenouille chanteuse.
-Vite si ils te trouvent ils vont te cueillir ! Reprit l’amphibien mélomane.
Céleste rigola avec douceur
-Mais enfin je ne suis pas une plante, comment veux tu que l'on me cueille ?
La grenouille la regarda avec insistance.
-Peut importe ce que tu es à l'intérieur, seule l'apparence compte dans nos mondes. Et même si tu n'es pas une fleur tu en a la parfaite physionomie. Dépêches toi enfin !
Céleste regarda alors plus attentivement ce qui l'entourait. Le ciel était devenu une véritable œuvre d'art. Les nuages, multicolores, flottaient dans le ciel bleu azur avec une grâce de danseuse. L'herbe, d'un joli bleu, ondulée doucement sous le vent. La demoiselle était émerveillée, « on se croirait à la mer ! » Se dit-elle. Elle se dirigea alors vers la mare, devenu noire et brillante, comme un miroir trop longtemps oublié. Céleste découvrit avec émerveillement sa nouvelle tête. Des yeux vert où coulait de la sève dorée au fil des battements de son cœur. Un cœur qu'elle découvrit plein de mécaniques étranges, aussi complexe que les sentiments qu'il créait. Mais surtout elle découvrit la ribambelle de fleurs et de plantes qui coulaient doucement le long de sa tête, remplaçant une chevelure autrefois terne. Des roses, des pensées, des iris, du thym, c'était une explosion sourde d'espèces et de couleurs qui animaient désormais ses pensées. Après quelques minutes de bonheur indescriptible la jeune plante suivit les conseil de la chanteuse de grenouille et partit le long du chemin qui autrefois menait à la ville.

Elle se croyait dans Alice au pays des merveilles, elle voyait le miroir de jadis, de maintenant ou qui sais de plus tard ? Elle se promenait dans des sentiers étrangement connus, redécouvrant le monde tel qu'elle avait toujours voulu le voir. Elle ne croisa personne mais parla a plusieurs animaux. Un cheval bleu avec la crinière tressée de laine multicolore, une famille de lapins en chocolat. Elle rencontra même son propre chat avec qui elle discuta longuement de la vie et de son sens. Mais plus elle avançait plus l'envi de revenir dans son monde la tenaillait. Ses fleurs qu'elle trouvait si belles attiraient des insectes qui l'embêtaient beaucoup a vouloir déguster ses pensées pollens. Elle arriva à la porte d'un immense château en meringue. Un soldat habillé d'une manière for jolie marcha vers elle en soulevant les dentelles qui l'embellissaient. Il voulait savoir si elle faisait parti des gens qui mangeaient le château. Céleste le regarda éberluée, manger le château ? Quelle drôle d'idée. Le garde la laissa donc passer avant de reprendre sa ronde.

Elle avança dans le château aux murs guimauve pour arriver dans la salle du trône. Là une belle dame se tenait, droite et fière, elle avait l'air importante. Céleste s'inclina devant elle et demanda une audience, le dame la lui accorda immédiatement.
-Où suis-je demanda Céleste ?
-Peut importe où tu es du moment que tu t'y plaît. Tu ne te plaît pas ici ? Répondit la dames aux questions.
-Je ne sais pas, je n'ai vu personne à part des animaux qui parlent et des insectes agaçants.
-As tu seulement envie de voir quelqu'un ?
-Je commence à m'ennuyer à n'avoir rien à lire.
-De quel ennuie te plaints tu, toi qui es au milieu du plus grand imaginarium pouvant exister ?
-Un imaginarium vous dites ? Comment dois-je faire pour rentrer chez moi ?
-Es-tu sûre de vouloir rentrer jeune Bouquet ? Aucun retour ne sera possible, on ne peut plus revenir une fois parti, on disparaît pour toujours du miroir.
-Mais j'ai peur.
-Qu'est-ce que la peur ?
-Sûrement un monstre qui se cache dans ma tête et qui m'empêche d'avancer.
-Soit. Pourquoi veux tu rentrer ?
-Je me lasse de vos questions qui n'apportent aucunes réponses. Une question sans réponse n'a pas lieu d'être !
-Alors qu'elle est la réponse à la question que tu es ?
-Je ne sais pas
-Dans ce cas tu n'a pas lieu d'être.
Céleste s'éloigna du trône, la dame commençait à l'ennuyer. Elle devait trouver un moyen de retourner de son côté du miroir.

En sortant elle recroisa la grenouille chanteuse. Celle-ci était en pleine représentation. Bouquet, qui désormais se nommait comme ça (la dame décidait de ce genre de chose) applaudit la cantatrice avant de l'interrompre.
-Mais enfin, où suis-je ?
-De l'autre côté du miroir.
-Comment retourner chez moi ?
-En le retraversant tout simplement. Mais fait attention à toi, entre les deux complémentaires il y a un gouffre noir et vide ou plus rien ne pense et plus rien ne vit. Lors de la traversée tu risques de te retrouver piégée.
La jeune fille acquiesçât avant de reprendre sa route vers la mare noirâtre. Ses fleurs de pensées tournaient à plein régime et libéraient une douce odeur sucrée mêlée à un peu de cramé. Elle avait été heureuse de goûter à l'imaginaire mais, même si elle ne l'aimait pas, elle voulait retourner de son côté à elle. Elle ne savais pas qui elle était, ni pourquoi elle se sentait différente, mais elle avait l'impression d'être une étrangère ici. Dans son monde c'était juste une inconnue.

Elle arriva au bord de la mare et, sans réfléchir, y plongeât. Elle senti la noirceur de la ville revenir lui coller à la peau, l'engourdir et l'attirer vers le fond, encore et encore. Elle plongeait vers une abîme inconnue, elle avait peur. Le premier voyage avait était si doux et serein. Elle serra les dents pour se donner du courage . Elle avait les yeux clos, elle savait qu'elle était entouré de noir, la grenouille lui avait dit. Elle essaya de se libérer de ces chaînes qu'elle arrivait si souvent à fuir auparavant mais rien n'y fit elle tombait encore et encore dans un gouffre sans fond. Au bout d'une lutte inutile elle se laissa tomber sans réagir. Elle finit par s'endormir, apaisée, un voile d'éternité dans le fond des yeux.

Quelques jours plus tard, dans la verte herbe du printemps naissant,on découvrit le corps d'une jeune fille inanimée. A l'ombre du grand Saule elle semblait étrangement détendue. A ses cheveux c'étaient doucement mêlées les fleurs transportées par le vent. Elle ressemblait à une plante qui avait un peu trop rêvée. Des centaines de petites fleurs jonchaient le sol près d'elle, un cadavre fleuri parmi des cadavres de fleurs, c'était beau. On l'enterra le lendemain.

A vouloir trop rêver elle c'est perdue, perdue dans l’abîme tortueux de l'esprit humain. Elle n'était pas faite pour ce monde, non, pas faite pour ces épreuves. Quand elle a découvert que la réalité ne serait jamais aussi belle que le rêve elle a tout simplement abandonné.