☆ Le paradis des gueux. [ DollNDoll Lucian ]

La première fois que je l'ai vue, elle était là, à déambuler dans les rues inondées de Paris sous une pluie battante et un ciel noir appelant l'orage. Elle était là, à marcher comme une enfant dans un parc, puis soudain elle s'est figée au milieu d'une rue vide près de la Seine à regarder le ciel les yeux brillants. Je devais être à cinq ou six mètres d'elle à la contempler, vêtue d'une robe blanche très simple et trempée par la pluie décidée à tenter d’inonder la ville, ses cheveux aussi blancs que la neige la différenciait de toutes les autres personnes de cette ville à mes yeux.
Ouais, elle n'était pas banale.

Elle resta comme ça un bon moment, plantée là, lorsque soudain elle se tourna vers moi en me dévoilant ses yeux d'un bleu hypnotisant semblant m’appeler à elle. Et moi, tout idiot que j'étais, je m'avançais vers elle les mains dans les poches ce qui me permettait de la voir de plus près. Durant un long moment embarrassant elle ne décrocha pas un mot. Moi non plus d'ailleurs. Puis d'un seul coup, elle soupira en pointant le doigt droit devant elle, vers les fils d'un vieux poteau électrique.
" Regarde. Tu vois là en haut ? C'est mon oiseau qui est coincé."

Je suis resté là tout idiot que j'étais à la regarder comme un poisson rouge dans un bocal. En levant les yeux dans la direction qu'elle me montrait, on ne voyait rien de plus que des fils électriques d'une banalité accablante, pourtant elle semblait y croire dur comme fer à cet histoire de volatile. Je ne savais pas vraiment quoi lui dire, en fait..
" Il n'y a aucun oiseau ici tu sais.. Même pas un pigeon pourtant ils sont partout. Il a du partir. "
" Oui c'est vrai. Mais si il y avait vraiment eu un oiseau coincé là-haut tu aurais été le sauver ? "
Bien sur que je ne savais pas à quel jeu elle semblait vouloir jouer, avec ces histoire d'oiseaux. Mais elle avait un regard à en crever le coeur, j'ai pas su partir l'air de rien. " Si j'avais pu, qui sait.. "

J'me souviens juste l'avoir vu hocher la tête, puis se figer de nouveau en regardant toujours cet oiseau inexistant. Puis elle a enlevé sa barrette argentée et s'est approchée de mon oreille lentement et à la fois rapidement, avec cet espèce de sourire presque étrangement malsain au fond.
" Alors, viens me chercher, si tu peux.. "

J'ai juste eu le temps de reculer intrigué par ses propos, qu'elle avait disparue. Elle n'était plus là. Comme si cette chose si fragile n'avait simplement jamais existé. Puis lorsque mon regard se posa presque involontairement sur ce poteau électrique de malheur, à la place d'un oiseau, elle était là en me faisant signe.
Cette tarée m'a fait appeler les pompiers qui étaient tellement ravis de ce coup de fil et de ce dérangement que j'ai eu une jolie amende à payer. C'te garce.. De ce jour elle ne m'a finalement plus quitté, elle s'est incrustée chez moi et elle est plus repartie. Elle a gagné une bataille mais pas la guerre.