Mur des lamentations bis

Je suis actuellement en arrêt de travail pour : "état dépressif lié au travail", depuis trois semaines environ. Je rencontre un psychologue demain, et je revois mon médecin après demain pour statuer sur mon sort...
Je suis professeure des écoles titulaire depuis 2 ans.
Mon année de stage avec des CM1 s'était très bien passée, puis, après la validation de ma titularisation, je me suis retrouvée propulsée sur un poste en ULIS TFC (unité localisée pour l'inclusion scolaire pour des enfants atteint de troubles des facultés cognitives). C'est un poste pour lequel il faut normalement avoir le CAPPEI (certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive) qui s'obtient après une formation de 300h, mais comme personne ne voulait du poste sur lequel je me trouve actuellement, et que je n'ai aucun point comme je débute dans le métier, on m'a envoyé sur mon poste actuel fraîchement sortie de l'INSPE.
Je me suis retrouvée sur un poste avec des élèves porteurs de handicaps totalement différents les uns des autres, j'ai vite compris que TFC, c'était un peu un bassin où on envoyait tous les enfants porteurs de particularités sans "étiquettes", dont on ne savait pas trop quoi faire (du moins dans ma circonscription).
Sur un groupe de 12 élèves, la moitié n'a aucune indépendance vis à vis de la tâche scolaire et 3 vis à vis des tâches de la vie courante. Les élèves ont des âges allant de 6 à 11 ans, avec des niveaux totalement hétéroclites. Par exemple, pour un temps de numération, je prépare 5 séances, 5 séquences. La lecture est totalement individualisée, ainsi que l'écriture... La charge de préparation est donc énorme (en calculant, j'ai des semaines de 56h de travail).
Pour gérer tout ce petit monde, je suis heureusement aidée d'une AESH, une personne formidable. Mais même à deux, nous sommes dépassées par toutes les tâches qu'on nous demande. Cette dame a en plus la santé fragile, est régulièrement arrêtée sur des périodes plus ou moins longues et n'est jamais remplacée.
J'évolue dans une école où l'hyper violence règne, que ce soit au niveau des parents, qui rentrent dans l'école pour "casser la gueule" des enseignants (littéralement) plusieurs fois par semaine, ou entre les élèves qui s'étranglent, s'harcèlent, se courent après avec des objets pointus métalliques pour se tuer... etc et des collègues en stress permanent et dépression totale dû au milieu.

L'année dernière, j'ai dû m'occuper d'un enfant toute l'année atteint de troubles autistiques, qui passait son temps à se masturber devant les autres élèves et à hurler toute la journée. J'ai craqué en avril 2022 déjà, après avoir eu le covid et avoir repris mon poste seule, puisque l'AESH était à ce moment-là arrêtée et non remplacée. J'ai eu un arrêt de deux semaines à cette époque pour surmenage et épuisement.

J'ai dû reprendre le poste en ULIS cette année, en sachant dans quoi je m'aventurais, n'ayant eu aucun de mes postes souhaités au mouvement (le système de mutation des profs'). Je me suis replacée sur l'ULIS parce que j'avais peur qu'on m'éloigne encore plus de mon domicile (je me tape 1h de trajet pour me rendre au travail).

Mais quel enfer ! Cette année est terrible.

Je n'ai plus mon élève avec troubles autistiques, car j'ai bataillé pour lui trouver une place en structure adaptée toute l'année dernière avec l'inspecteur et les services de la MDPH. Néanmoins, c'est d'autres soucis qui me poussent à bout cette fois :
- La mairie a totalement bloqué le budget de l'école, on ne peut plus faire aucune commande de matériel DEPUIS SEPTEMBRE. Plus de cahiers, plus de feuilles, plus rien. Soit on achète tout avec notre argent personnel, soit on ne fait plus rien.
- Tout est volé dans l'école. Matériel pédagogique, objets personnels... Si je laisse quelque chose dans la classe le soir, ce n'est plus là le lendemain.
- Depuis l'année dernière, je me bats pour faire une information préoccupante au sujet d'un élève dont les parents sont ultra violents et qui ne s'occupent pas de l'enfant (pas de soins médicaux). L'inspecteur ne veut pas se mouiller,  il a peur, c'est mon nom et mon prénom qui apparaîtront sur l'IP si jamais il y a, et c'est donc moi qui serait en première ligne à la sortie de l'école ou en arrivant le matin sur mon lieu de travail. (et ce n'est pas le seul cas comme celui-ci dans l'école).
- J'ai dû m'occuper d'un cas de harcèlement grave sur le temps de la cantine (coup-de-poing/pied tous les jours, pendant plusieurs mois, sur un élève de CE1), avec appels réguliers à la mairie, mails...etc, ça a pris DEUX MOIS, juste pour faire changer l'enfant de groupe parce que la mairie ne VOYAIT PAS LE PROBLEME.
- On m'a envoyé un élève en début d'année que je n'ai pas su aidé : qui nous insultait, nous frappait, se roulait par terre en hurlant, cherchait constamment à se sauver de l'école, il lançait les meubles de la classe, mordait et griffait les autres élèves avec ses propres parents qui l'insultaient et le RASED en classe tous les jours avec moi pendant 1 mois, qui faisait protocole sur protocole sans que j'en sois informée...
- Les collègues qui pensent que je fais de la garderie avec mes élèves parce qu'ils sont atteints de handicaps lourds. Qui ne me donnent pas les documents dont j'ai besoin pour organiser le fonctionnement de l'unité, qui ne répondent même pas aux mails... etc.

Mais il y a trois semaines, ça a été le pompon. J'étais une nouvelle fois seule sur mon poste, sans AESH depuis deux semaines, à me dépatouiller comme je le pouvais. Un jeudi matin, à 8h25, on nous demande avec des collègues de faire très attention parce que des parents qui en sont déjà venus aux mains avec le directeur veulent le voir. On est avec nos portables, près à appeler le 17 en accueillant les élèves à la grille de l'école. Je suis alors très stressée et fatiguée. Un de mes élèves arrive, et comme régulièrement, il me dit qu'il est très malade, mais que ses parents ne voulaient pas le garder à la maison. Je lui réponds : "Ecoute, je ne suis pas infirmière, va te ranger."
Qu'est-ce que je n'ai pas dit... Une femme est entrée en furie dans l'école et m'a littéralement hurlé dessus en me disant que j'étais la honte de ma profession, qu'on devrait tout de suite me retirer mon poste et autres joyeusetés, devant mes collègues, les élèves, les parents d'élèves.
Je suis rentrée en classe, et je me suis effondrée complétement.
Je ne pouvais pas rester, j'ai donc appelé le directeur de l'école en lui disant que je ne pouvais pas assurer mon poste dans l'état où j'étais, qu'il fallait que je voie mon médecin et que je rentre chez moi. Aucun soutien, aucune aide de sa part, seulement un : "Faut se blinder" et basta. Il m'a laissé dans mon unité, avec mes élèves alors que j'étais décomposée complètement et incapable d'aligner trois mots.
J'ai donc dû trouver les forces et le moyen de donner du travail à chacun de mes élèves, de leur expliquer qu'il fallait qu'ils aillent travailler avec leurs maîtres/maîtresses d'inclusions parce que j'étais malade et que je ne pouvais pas les aider aujourd'hui et avertir les collègues de mon départ.
Après avoir fait tout ça, j'ai pleuré pendant au moins 15 minutes toute seule dans ma classe puis j'ai cherché le directeur de mon établissement pour lui dire que je m'en allais, que vraiment, c'était trop pour moi.
Je ne l'ai jamais trouvé et j'ai quitté l'école sans le voir POUR LE TROUVER EN TRAIN DE FUMER DANS LA RUE COMME SI TOUT ALLAIT BIEN.

BREF, je suis dans un état lamentable face à mon travail aujourd'hui, je culpabilise d'être en arrêt même si au fond de moi, JE SAIS, que je n'ai pas travaillé dans des conditions normales jusque-là, mais je m'en veux de laisser mes élèves seuls (parce que bien entendu, je ne suis pas remplacée), je m'en veux d'avoir explosé comme ça, j'ai honte par rapport à mes collègues et par rapport aux enfants. Je suis complètement perdue vis-à-vis de ma profession, à la fois, je ne sais rien faire d'autre, mais c'est actuellement un travail qui me tue (littéralement).
Le sentiment d'échec est total et est paralysant, sans compter la pression sociale, avec l'entourage et les médias qui relaient que les profs sont planqués avec des semaines de 20h de travail par semaine, les vacances, le salaire... etc. Je ne pense pas être capable de reprendre mon poste dans l'immédiat. Je ne sais pas si j'en serai réellement capable. J'attends le mouvement de cette année avec une angoisse et une appréhension immense, car mon positionnement pour l'année scolaire 2023 - 2024 sera décisif pour mon départ ou non de l'Education Nationale.