[Pullip Blanche] Hevad, Princesse de rien p.2

« Quelle tombe, quelle tombe… quelle tombe allons-nous fleurir ce soir ? ♪ »




« Je sais ! Ce sera pour la tombe d’Hevad… »

Mais… Hevad c’est toi. Les vivants n’ont pas de tombe.


« Les vivants… non. »




« Allons fleurir, allons fleurir… allons-fleurir la tombe d’Hevad ! ♪ »

Des histoires de Princesses il y en a des milles et des cents. Mais connaissez-vous l’histoire de la princesse du cimetière ? Tout ça s’est passé il y a longtemps, tellement longtemps. Et encore bien longtemps avant ça, cette princesse était comme vous et moi... jusqu’au jour où elle fut assassinée.
Son esprit a quitté son corps, erré, erré, encore et toujours jusqu’à avoir oublié le moindre souvenir de ce qui fut sa vie. Et comme elle errait toujours au même endroit, dans ce cimetière tout près duquel elle avait été tuée, les autres esprits des alentours la surnommèrent affectueusement « la princesse du cimetière ».


Son histoire parvint aux oreilles des vivants qui la transmirent à leur tour. La princesse du cimetière, qui se fit bientôt appeler Hevad, fut ainsi connue dans toute la région...

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Chaque soir une fois les visiteurs et le gardien parti, elle parcourt les allées en fredonnant le même petit air triste.
Les vivants ne peuvent voir les esprits, mais on peut entendre le bruit de ses pieds nus sur le sol, sa voix basse qui résonne. Beaucoup de curieux restés spécialement sur les lieux sont persuadés de l'avoir entrevue, une fois.


Chaque soir elle choisit une tombe au hasard, sur laquelle elle déposera soigneusement son bouquet. Elle chante alors un peu plus fort à l'attention de l'esprit à qui appartenait cette tombe, comme pour adresser une prière.
Plus d'une fois elle a fleuri sa propre tombe, vieille et illisible, oubliée dans le coin abandonné du cimetière.

Ce cimetière est devenu sa demeure et elle se considère comme son gardien. Elle repousse tout mauvais esprit cherchant à tourmenter les lieux et éloigne les jeunes vivants venus pour profaner les tombes. Sa douceur et sa gentillesse sont connus des esprits comme des hommes, mais sa cruauté envers ceux qu'elle juge mauvais est tout aussi redoutée.

~~


Un soir pendant sa ronde habituelle, il lui sembla sentir une présence étrange. Légère. Puis plus rien.


Elle continua son chemin jusqu'à ce que la présence interrompe même sa voix. C'était sûr, il y avait un esprit dans le cimetière.


« Montre-toi si tu ne veux pas que je vienne moi-même te chercher. »

Etrangement, la réponse fut immédiate. L’importun se présenta devant elle sans même qu’elle n’ait à faire un pas de plus.


Le courroux d’Hevad retomba aussi vite qu’il était monté. Jamais elle n’avait rencontré de pareille créature, mais de toute évidence ce n’était pas un mauvais esprit. Ni même un esprit humain.


« Je m’appelle Hevad, c’est moi qui garde ces lieux. Qu’est-ce que tu fais ici ? »


La petite créature s’agita. Elle n’avait pas le don de la parole, mais la princesse parvint à comprendre ce qu’elle tentait de lui dire : alors qu’elle cherchait de quoi se nourrir - sa race se nourrissait du sang des Hommes, oh pas de beaucoup, ils ne tuaient jamais - elle s’était égarée là, attirée par l’odeur des vivants et la présence des esprits. Livrée à elle-même depuis peu, elle ne savait plus où aller.

Hevad réfléchit un instant.
« Je n’ai pas eu de compagnie depuis bien longtemps. Si tu n’as plus d’endroit où aller, pourquoi ne pas rester ici ? Si tu sens les esprits, tu pourras m’aider à chasser les mauvais de cet endroit. Nous ne sommes pas loin du village, tu pourras t’y nourrir. »


Comme preuve de sa parole, elle lui tendit le précieux bouquet que tant d'esprits rêvait de recevoir. La petite vampire -Hevad ignorait le nom de cette race- accepta tout de suite, enserrant dans ses bras minuscules les fleurs aussi grandes qu’elle.

« C’est d’accord alors ! » Hevad frappa dans ses mains. Elle semblait ravie de ne plus se savoir seule. « Et comme un esprit se doit d’avoir un nom pour rester consistant, tu t’appelleras Lydia. »


Les humains ne connaissent pas cette partie pourtant essentielle de l’histoire.


Après tout, la petite Lydia est bien trop discrète pour être vue ou sentie par les vivants.


La princesse du cimetière, elle, est toujours aussi crainte des mauvais esprits et respectée des autres. Mais peu sont ceux qui savent qu’elle n’est plus, depuis longtemps, dans une totale solitude.

Are you the rabbit ?

Le chemin est sombre, parcouru de rires qui rebondissent sur des murs invisibles, des mains qui se tendent pour mieux disparaître. Et on se perd, on se perd, on se perd.
Le guide de lumière a disparu en laissant derrière lui ceux qui se sont aventurés à le suivre.

Débrouillez-vous !



Et ce lapin ? On dirait celui qui...

« Vous faîtes la chasse au lapin ? »


« Je ne sais pas qui vous a conduit ici, mais ce n'est pas le pays des Merveilles. Et ce lapin... »


« ...est à moi. Trouvez-vous-en un autre. »

Loin d'une tendre Alice de contes de fées, Hevad réecrit ses classiques d'un coup de pied dans la plume. A peine le temps de cligner des yeux et la voilà qui court vers un chemin éclairé par un ciel nuageux. C'est à bout de souffle qu'on parvient à la suivre, si elle n'a pas déjà disparu dans la lumière grise.
Est-elle le guide ?


« En fait... je m'en moque un peu, du lapin. Ce n'est pas lui que je suis venue chercher. »

Ou bien est-elle perdue elle aussi ? Elle a l'air pourtant si sûr d'elle.


« C'est ce lapin qui vous intéresse ? Je vous le donne si vous m'aidez à chercher. »

Mais que cherche-t-elle dans un endroit pareil ? Elle a l'air d'y être à la fois totalement intruse et totalement chez elle.
Tiens si on tend l'oreille, on peut se rendre compte que c'est son rire qui résonnait dans le couloir sinistre de tout à l'heure. En pleine lumière il semble bien plus rassurant. Quoi que...

Son visage est fermé si on lui demande ce qu'elle recherche.


« Ca n'intéresse et ne regarde personne d'autre que moi. »

Quelque chose ou quelqu'un...


« Vous aurez ce que vous voulez quand j'aurai ce que je veux. Je connais mieux l'endroit que vous. »

Mais est-ce une proposition ou un ordre ?
Est-ce sage que de suivre aveuglément quelqu'un qui a déjà vu l'enfer...


« Tic tac tic tac - l'heure tourne, vous savez ! J'ai peut-être l'Eternité mais je ne suis pas patiente pour autant. On y va. »

Ici ce n'est pas le lapin qu'il faut suivre, mais la jeune femme au jupon bleu, l'intruse maîtresse des lieux. Sa course rythmée par les rires, les pertes, la lumière cendrée du ciel.


« ♪ Il va pleuvoir, il va pleuvoir si on ne rentre pas avant le soir ! ♪ »

Elle s'en fiche de ceux qui n'arrivent pas à suivre. Elle s'en fiche, ce qui l'intéresse c'est de trouver ce pourquoi elle est ici. Ce que les autres recherchent ne l'intéresse pas tant qu'elle n'a pas l'objet de son désir, n'est-ce pas ?

Dépêchez-vous...
Ou débrouillez-vous !

« Eh bien ! A ce rythme-là on n'y sera jamais ! »

On ne sera jamais 'où' ?

« A l'abri. Vous êtes sourds ? Il va pleuvoir. »

Et elle recommence à chanter et à courir. Elle court en tournant sur elle-même, tenant son précieux otage au bout de sa chaîne...


« ♪ Il va pleuvoir du sang et de l'eau d'ici ce soir,
Il va pleuvoir, sera-t-on encore là pour le voir ? ♪ »

Serez-vous encore là ?