Ce matin-là, ils se réveillèrent à l'aube, comme tirés de leur sommeil par l'excitation, le stress et la joie mêlés.
C'était aujourd'hui.
Chacun s'affairait de son côté.
Lui pour les préparatifs de dernière minute et l'accueil des invités n'étant pas déjà arrivés la semaine passée, et elle à se faire dorloter et embellir encore.
Mais malgré les occupations prennantes, tous deux ressentaient comme un noeud pressant dans le ventre.
Ils seraient bientôt unis, et cette fois c'était imminent.
Tant de mois d'attente, et c'était enfin aujourd'hui.
Lorsqu'elle entra dans l'église, plus personne ne fit le moindre son.
Ebahis devant la beauté de la jeune femme vêtue de blanc qui venait de franchir le pas de la lourde porte de bois, les invités retenaient presque leur respiration.
Seuls les tapements légers et lents des chaussures de la future mariée résonnaient contre les hauts murs de pierre.
A son bras, son père ressentit la même émotion que lorsque sa petite fille venait de naître. Une fierté mêlée d'un bonheur intense.
Debout devant l'autel, Cain ne se démarquait pas du reste de l'assemblée. Il ne pouvait détacher son regard de cet ange qui avançait lentement vers lui.
Ses longs cheveux blonds si cristallins étincelaient, illuminés par les rayons du soleil qui pénétraient dans l'église par l'ouverture de la porte.
Il distinguait à peine son visage sous son voile blanc orné de perles scintillantes, mais il savait que sous cette brume légère se cachaient deux grands yeux verts qui le fixaient, humides de joie et d'amour.
Elle avançait lentement, et petit à petit il découvrit le doux sourire de la jeune femme qu'elle adressait à chaque personne de l'assemblée.
Plus elle se rapprochait, plus leurs coeurs se serraient.
Abigail se déplaçait d'un pas aérien, de sorte que c'est à peine si l'on entendait ses chaussures se poser sur le sol de pierre.
La longue traîne de sa robe accentuait cet effet, telle un nuage qui la suivait.
Ses longs cheveux ondulaient gracieusement à chacun de ses pas.
Elle avançait, se tenant naturellement droite malgré le joli profil rond qui se dessinait sous son bustier.
Elle rayonnait, et tous ceux qui l'observaient se demandaient si c'était le soleil qui donnait cette impression ou si son bonheur était si intense qu'il jaillissait du moindre de ses cheveux.
Une longue main douce se tendit vers la jeune femme.
Après une courte inspiration, elle la saisit doucement et monta les quelques marches qui menaient jusqu'à l'autel, quittant le bras de celui qui lui avait donné la vie pour celui de l'homme qui lui avait donné l'envie de la poursuivre.
Levant la tête, elle aperçut son regard profondément doux posé sur elle. Il souriait.
Elle se sentit rougir et baissa les yeux. Il serra ses longs doigts fins dans sa main chaude.
Lorsqu'ils échangèrent leurs voeux, ils ne versèrent pas une larme. Chacun avait plongé son regard dans celui de l'autre, et leurs yeux étaient si brillants qu'ils valaient toutes les larmes du monde.
Le bonheur emplissait l'église comme jamais il ne l'avait fait.
Comme il glissait l'alliance au doigt d'Abigail, une vague de chaleur les envahit tous les deux. Il posa sa main sur le ventre rebondi de sa jeune épouse, et ils échangèrent un long sourire lourd de paroles.
Ils étaient enfin unis.
A peine eût-elle détaché ses doigts de l'alliance de son époux, elle sentit sa main gauche effleurer sa joue sous son voile.
Dans un mouvement imperceptible, il souleva le voile de la jeune femme, révélant au monde entier le visage de celle qui était maintenant unie à lui devant Dieu.
Il la regarda quelques secondes, incapable de faire le moindre mouvement ni même de respirer.
Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle soit si belle à cet instant précis. Elle était la même que d'habitude, elle n'était pas maquillée comme le sont toutes les femmes le jour de leur mariage, sa coiffure n'était pas si différente de celle qu'elle avait l'habitude d'arborer.
Simplement, le bonheur qui l'habitait transparaissait sur son visage et dans ses gestes.
Lorsqu'il reprit le contrôle de ses gestes, il caressa doucement les deux joues de sa belle. Elle avait posé ses grands yeux verts sur les siens, lui parlant silencieusement.
Il releva doucement le visage de la jeune femme et s'approcha pour aposer délicatement ses lèvres sur les siennes.
Aucun murmure, aucun chuchottis ne parvenait des bancs où se tenaient les familles des deux époux.
Tous, enfants comme adultes, ne pouvaient détacher leur regard de ces deux jeunes êtres qui venaient d'être unis devant eux et devant Dieu.
Ils n'avaient jamais eu l'occasion de voir autant de bonheur émaner de deux personnes.
Abigail et Cain se tournèrent vers leurs familles.
Le jeune homme aida sa jeune épouse à descendre les marches sans risquer de chuter, entraînée en avant par le poids naissant de son ventre.
Sous les applaudissements émus mais discrets et aimants de l'assemblée, les jeunes mariés se dirigèrent lentement vers la porte de l'église.
Ils se rendaient à peine compte des témoignages d'amour, des voeux de bonheur que les gens leur adressaient.
Lorsqu'ils atteignirent le pas de l'église, ils s'arrêtèrent.
Comme d'un même mouvement et pourtant sans s'être concertés, ils prirent tous deux une longue inspiration, les yeux fermés, le visage tourné vers le soleil.
Leurs mains se rencontrèrent sur la petite bosse que le fruit de leur amour laissait apparaître sous la robe d'Abigail.
"Ca y est" se dirent-ils.
Ils étaient maintenant bénis pour la vie, une vie qu'ils passeraient ensemble.
Dans leur petite bulle, ils ne seraient bientôt plus seuls...