Elle était tellement impatiente qu'ils avaient décidé de prendre le thé dans le salon, pendant qu'elle déballait les boîtes emplies de guirlandes et autres décorations scintillantes.
Elle ne s'interrompait dans son étalage de pampilles que pour boire quelques gorgées du thé au miel que lui avait servi son époux.
Assis sur un canapé face à cet arbre blanc et sa jeune épouse, il observait d'un oeil amusé et amoureux Abigail, redevenue une enfant pour quelques heures.
Elle s'agitait, faisait des allers et retours des boîtes jusqu'au canapé où elle avait tout installé pour faire son choix quant aux décorations qui orneraient le sapin recouvert de neige artificielle.
D'ordinaire, elle déballait tout par terre, prétextant le manque de place sur la grande table.
Mais son état l'empêchait de se baisser, son ventre étant tellement gros que le moindre mouvement vers le bas était rendu quasiment impossible, quant à se relever, cela faisait beaucoup rire Cain qui se précipitait chaque fois pour l'aider.
Elle se redressa, contemplant l'étal de petits objets brillants, pailletés, vernis, digne des légendaires marchands orientaux dans les souks, ceux qu'ils s'étaient promis d'aller voir quand les enfants seraient en âge d'être confiés à leurs grands-parents.
Ses grands yeux verts brillaient comme ceux d'une petite fille décorant son premier sapin de Noël en attendant de pouvoir placer ses souliers au pied de celui-ci le soir précédent la "grande nuit".
Elle se retourna, et avec un sourire qu'elle ne pouvait contrôler, dit :
- Je commence !
Cain lui rendit son sourire. Il ne la rejoindrait qu'à la fin, car même s'il savait que son aide la remplirait de joie, elle aimait décorer le sapin toute seule.
Il restait là, assis en face d'elle, à la regarder s'agiter, ramener une étoile, un noeud de tissu, les accrocher dans les branches, coller son nez délicat contre les branches pour respirer la légère odeur de résine qui s'en dégage, enrouler des guirlandes étincellantes autour de l'arbre.
Elle riait de temps à autre lorsqu'elle attrapait une boule décorée, se rappelant des circonstances dans lesquelles ils l'avaient achetée, et tournait un regard amoureusement joyeux vers Cain lorsqu'elle découvrait des objets qui n'étaient pas dans les boîtes les années précédentes.
La voir ainsi le comblait.
Il se prit à imaginer le Noël suivant. Cela ne se déroulerait plus jamais comme avant, mais pas une once de tristesse ne vint accompagner cette pensée.
L'an prochain il serait certainement assis encore là, sur ce canapé, à regarder son épouse décorer le sapin, mais ils ne seraient pas seuls dans ce grand salon.
Un cri de bonheur vint interrompre le cours de ses réflexions.
- Cain ! J'ai presque fini !
Elle se retourna et son regard dégageait tellement de bonheur qu'il avait envie de s'y perdre.
- Tu ne peux pas trop te redresser, je viens t'aider à accrocher l'étoile polaire?
Il se leva et elle lui tendit une grande étoile argentée.
- C'est à toi de le faire, maintenant !
La tradition voulait que ce soit le père de famille qui accroche l'étoile polaire à la cime du sapin. Cain le savait, mais même si en lui il acceptait ce nouveau rôle, et qu'il attendait ce moment avec impatience, il avait du mal à verbaliser ses sentiments quant à cela.
Abigail le savait, et lui adressa un sourire des plus tendres.
- Ne t'en fais pas, personne ne t'en veut de ne pas en parler. Nous savons tous que tu seras un excellent père. Simplement c'est normal que tu n'arrives pas à mettre des mots sur ce qui n'est pas encore là...
Il posa sa main sur son ventre.
- Mais...
Un grand coup de pied vint déformer la peau si lisse d'Abigail. Ils regardèrent, un peu ébahis, ce ventre d'où était apparue une bosse dont la forme d'un pied était clairement dessinée. Ils rirent tous deux.
- Oui, mon amour, je sais qu'ils sont là. Mais tant que tu ne les auras pas tenus dans tes bras, tu ne seras pas rassuré, je le sais. Ne t'inquiète pas, tout ira très bien.
Il accrocha l'étoile à la cime du sapin et il observa attentivement le reste des décorations.
Abigail était en train de réajuster un noeud de tissu blanc orné d'or. Il s'approcha d'elle et l'aida dans sa tâche, ce qui lui fit véritablement plaisir. Elle était un peu fatiguée d'être restée debout si longtemps, son ventre la pesait et elle commençait à avoir un peu mal au dos. Mais il la soutenait, et elle put se détendre un peu dans ses bras le temps qu'ils attachent ensemble la dernière décoration.
Ils s'assirent ensemble sur le canapé qui faisait face au sapin.
Tandis qu'ils admiraient ce grand arbre scintillant et magnifiquement décoré, de petits coups vinrent secouer encore une fois le ventre d'Abigail. Cette fois-ci c'étaient de nombreux petits coups, peu visibles et indolores.
Ils s'allongèrent, pour soulager un peu la jeune femme du poids de son abdomen.
D'un même mouvement, Abigail et Cain passèrent leurs mains sur le ventre plus que rebondi de la belle.
Cain ne disait rien, mais son regard était tellement tendre lorsqu'il était tourné vers son épouse ou qu'il regardait son ventre.
- C'est beau, n'est-ce pas?
C'était comme si cette phrase, lancée en apparence à la cantonnade, était la verbalisation de ce que Cain voulait dire à ce petit être qui avait montré son pied quelques minutes auparavant.
Les petits coups continuèrent, et ils caressèrent de plus belle les zones où les petites protubérances occasionnelles se formaient.
- Les jumeaux sont d'accord, mon amour.