(désolée si ça fait doublon avec la database, mais j'ai vraiment envie de vous présenter mon Phoenix
, même avec un make up raté, sans corps, sans wig définitive et avec des yeux verts trafiqués sous toshop pour faire croire qu'ils sont de la bonne couleur
Le texte est donc le chapitre 4 de mon roman en cours d'écriture, et correspond à l'arrivée de Phopho dans la trame... Je trouve que c'est assez révélateur du perso, donc c'est une bonne présentation...)
Tension
La nuit avait été longue. Une interminable traînée de sang et de boue noire. Phoenix traversa le hall d’entrée de l’immeuble en traînant des pieds et monta dans l’ascenseur. Au cinquième étage, les portes s’ouvrirent avec un « ping » qui lui fit grincer des dents. Il lui fallait un doliprane. Et vite. Même le cliquetis de la clef dans sa serrure lui était insupportable. Il se précipita dans la salle de bain à peine sa porte verrouillée, et avala deux cachets coup sur coup. Ça ne durerait pas longtemps, mais en attendant, il avait une sale gueule. Du moins c’était ce que son miroir au-dessus du lavabo lui affirmait.
Il se déshabilla avec précautions, grimaçant à cause des plaies toutes fraîches qui couturaient son corps. Il défit dans la cabine de douche les bandages de fortune qui l’avaient à peu près empêchés de mettre du sang partout le long du trajet du retour. Ses vêtements étaient foutus, souillés comme ils l’étaient. Il faudrait qu’il s’en débarrasse. Il tourna le robinet et l’eau chaude martela sa peau, lui tirant des grognements de souffrance et de plaisir tandis qu’elle glissait sur lui, délassant ses muscles et irritant ses chairs à vif. La céramique blanche à ses pieds se tâcha de rouge, il ferma les yeux. Un voile liquide et brûlant couvrit son visage, s’insinuant dans sa bouche, ses narines, entre ses paupières, décollant ses cheveux figés dans du sang séché. Le sien et celui d’un autre. Il avait déjà oublié la tête qu’il avait celui-là. Ça n’était pas le premier, ça ne serait pas le dernier. Comment l’expliquer ? Il en avait besoin, voilà tout. Même s’il se sentait sale à en vomir après. Il en avait besoin.
Au fur et à mesure que son mal de crâne se dissipait et que l’eau se faisait de moins en moins rouge pour retrouver sa limpidité initiale, sa nausée s’atténuait elle aussi. C’était bon. Tout allait bien. Il avait fait ce qu’il y avait à faire. Ça n’était pas la peine d’y penser davantage. Sur l’étagère, entre son blaireau et sa brosse à dents, la radio égrenait les faits divers. Il écoutait d’une oreille distraite en se séchant les cheveux. Une fois de plus, on ne parlait pas de lui. Ça n’était pas le genre de choses que le grand public avait envie de savoir, si friand de petits détails graveleux et sanglants soit-il. Dommage. Ça lui aurait permis de savoir si la flicaille était sur sa piste. Fait hautement improbable mais on n’était jamais sûr de rien.
Il y avait encore des bières au frigo, mais il faudrait qu’il fasse les courses. Il ne tiendrait pas la semaine avec une boîte de sardines, deux carottes blettes et une bouteille de ketchup. Canette décapsulée, il s’affala sur le canapé dans un grincement de ressorts. Entre les rideaux, on devinait l’aube qui pointait… Phoenix ferma les yeux et avala une gorgée d’alcool amer. Il allait s’accorder une petite sieste, il aviserait ensuite pour la bouffe et les vêtements.
Ce fut la sonnette qui le tira de son sommeil. Il souleva lentement une paupière et se tourna vers le radio-réveil posé sur la table basse. Putain, huit heure moins le quart… Il n’y avait pas moyen de dormir tranquille, même un tout petit peu ? Rajustant son peignoir pour ne laisser que le minimum de peau (et donc de plaies) visible, il jeta un coup d’œil par le judas. Morand, le propriétaire. Encore lui ? Ses visites surprises, de plus en plus fréquentes, l’agaçaient. Il s’était pris d’affection pour lui, le petit jeune qui vivait tout seul. Le pauvre petit jeune qui ne recevait jamais la moindre visite de sa famille, à croire qu’ils étaient tous morts ! Sur ce point, il n’avait pas complètement tort… Mais Phoenix n’avait pas besoin d’un père de substitution, et encore moins d’un fouineur qui faisait irruption chez lui à toute heure du jour. Maintenir les apparences était déjà bien assez difficile sans ça. Et c’est pourtant avec son air le plus engageant qu’il ouvrit la porte. Comme s’il était réellement surpris et content de voir l’autre tâche sur le pas de sa porte.
« Bonjour, Jonathan !
- Bonjour, Monsieur Morand…
- Appelle-moi Dominique mon petit, je te l’ai déjà dit… Tu es rentré tard ce soir, je t’ai entendu. »
Ce connard l’avait entendu monter à pas d’heure et il venait quand même le réveiller si tôt ? Il l’aurait bien étranglé avec sa cravate, là maintenant, tout de suite ! Et puis lui faire bouffer ses pompes bien cirées… L’idée était séduisante. Il se contenta de lui offrir un sourire contrit…
« Désolé d’avoir fait du bruit… Dominique.
- Mais non, ça n’est rien, ça n’est rien… C’est juste qu’il y avait du sang dans l’ascenseur, tout va bien ?
- J’ai juste saigné du nez, pas d’inquiétude à avoir… Ça m’arrive souvent quand il fait orageux vous… enfin tu… sais.
- Je comprends, je comprends ! Je me posais des questions, voilà tout… Mais si ça n’était que ça je suis rassuré.
- Je suis touché que tu te soucies autant de moi… »
Tu parles. La prochaine fois qu’il changerait d’appartement, il ferait plus attention à la personnalité du type qui le lui louerait. Un ermite misanthrope, ça serait l’idéal. Là, il serait vraiment tranquille. Changer d’appartement… Il faudrait qu’il y réfléchisse un peu plus sérieusement, ça devenait vital. Morand le mettait sur les nerfs. Ça n’était qu’une question de mois avant qu’il ne craque et ne fasse découvrir à son propriétaire les joies du saut à l’élastique. Mais avec, en guise d’élastique, ses propres tripes.
« Mais non, penses-tu, c’est normal… »
Cet air faussement modeste teinté d’autosatisfaction lui donnait envie de gerber. Il venait vérifier si un de ses locataires allait bien et ça y’est, il était Jésus ? Phoenix devrait peut-être le crucifier, histoire de parfaire la ressemblance ?
« Tu dois être fatigué, je te laisse… Bonne journée, mon petit ! »
Sans blague ? Il avait trouvé ça tout seul ? C’est vrai que quand on se couche à cinq heure du matin et qu’on vous réveille à peine trois heures plus tard, on n’était pas souvent fatigué, c’était une réaction tellement étrange et exceptionnelle ! Son faux sourire tomba dès que les multiples verrous de sa porte furent remis en place. Un peu de tranquillité, enfin. Déplier son clic-clac maintenant… Au point où il en était, il pouvait bien prendre le temps de le faire. Et puis ses blessures s’étaient déjà presque entièrement résorbées.