Lorsqu'il entrouvrit ses paupières gonflées, les rayons du soleil l'aveuglèrent.
Il posa rapidement son bras sur son visage, le temps de faire disparaître ces taches blanches qu'il voyait.
Puis il se leva lentement et attrapa une chemise posée sur le rebord d'un fauteuil, près du guéridon.
Il laissa échapper un soupir où se mêlaient de la tristesse et une once de moquerie.
Des roses. Des roses blanches.
Comme tous les matins, un bouquet de ces magnifiques fleurs était déposé sur le guéridon, dans sa chambre.
Leur parfum embaumait la pièce et leurs pétales immaculés semblaient refléter les doux rayons du soleil matinal.
Il s'approcha du bouquet.
Comme elles étaient belles, et si fraîches. Elles n'étaient pas cueillies depuis longtemps.
Leur beauté diaphane ne lui rappelait que trop celle qu'il avait laissée quelques mois plus tôt.
Comme il était dur de penser nuit et jour à elle et de ne pas pouvoir ne serait-ce qu'effleurer son doux visage, sa main si blanche...
Il ôta une fleur du bouquet. Elle était sur le point de s'épanouir plus que les autres, et elle attirait d'autant plus la lumière.
Lorsque ses doigts frôlèrent ses pétales, Cain ne put retenir un frisson.
Cette rose si tendre, si belle, si douce, lui avait durement rappelé que sa bien-aimée était comme elle.
Elle était sans doute en train de se fâner, entourée du même luxe que cette rose, dans leur château.
Elle ne manquait de rien, tout comme cette rose. Sauf d'une chose. Elle avait besoin de lui pour vivre, tout comme il avait besoin d'elle.
La rose ne pourrait pas survivre éternellement, quoi que l'on fasse.
Mais Abigail était, en ce point, différente : lorsqu'il reviendrait, elle illuminerait à nouveau son monde de son radieux sourire.
Lorsqu'il rentrera, il amènera un bouquet de ces roses à Abigail. Elle les aimerait, il en était certain.
Que faisait-elle de ses journées?
Elle avait beau le lui raconter dans ses lettres quasi-quotidiennes, il aurait voulu partager ces journées avec elle.
Tous ces moments anodins, ces préoccupations, il aurait voulu les vivre avec elle.
Il espérait pouvoir bientôt le faire.
La majeure partie des tâches administratives qu'il avait dû effectuer suite au décès brutal de son père était à présent terminée.
Il ne restait que quelques formalités dont il devrait se débarrasser dans la semaine, après quoi il rentrerait à Ashford, dans leur château bien à eux.
Depuis qu'il était ici, il nourrissait le seul désir de rentrer chez eux, d'aller la retrouver.
Ils ne devaient être éloignés qu'un long mois, et cela en faisait déjà six...
A ses côtés, le temps passait si vite. Sitôt les premiers rayons du soleil entrés dans leur chambre pour châtouiller leurs paupières ensommeillées, sitôt la journée était passée, synonyme de bonheur et de joie.
Or ici, ce n'étaient que longues minutes les unes après les autres, emplies de douleur et d'impatience de retrouver sa bien-aimée.
Bientôt, il pourrait retrouver sa douce et tendre.
Il devait se dépêcher à présent de rentrer, car il n'y aurait bientôt plus de ces magnifiques roses blanches auxquelles les jardinières avaient donné le doux nom d'"Abigail"...