• Le Grand Veneur •Je suis de nouveau revenu à Brocéliande.
Mais cette fois, je me suis enfoncé au coeur de la forêt, à la recherche des secrets qui m'ont attirés ici.
Depuis la mort d'Arthur Pendragon, Brocéliande est redevenue sauvage. On raconte que Merlin dort quelque part, peut-être pour toujours, tandis que la nature reprend ses droits.
Je me suis équipé avec hésitation, car je sais que la forêt n'aime pas les armes.
Mais je ne sais pas ce qui m'attend, au coeur de Brocéliande...
Après de longues heures de marche, durant lesquelles aucun habitant des bois ne m'a approché, j'ai atteint une gigantesque clairière. Il n'y avait pas un bruit.
Même les oiseaux s'étaient tus.
Et c'est là que je l'ai vu.
On raconte tellement de légendes sur cet être fabuleux, ce gardien de la forêt.
Non... Il
est la forêt.
On l'appelle
Llaw Llew Gyffes, ou bien le
Grand Veneur, ou encore,
Caledfwlch... Mais le Petit Peuple le désigne sous le nom de
Fenrir, le Grand Loup.
Il m'a fait signe d'approcher.
Face à cet être mystique et sans âge, je me suis senti insignifiant, comme le serait une brindille dans le vent.
Il aurait pu me briser la nuque d'une simple torsion de la patte... Mais il ne l'a pas fait.
Longtemps, nos regards se sont ancrés l'un dans l'autre.
Et puis, un bruissement familier de petites pattes non moins familières a rompu le silence.
Très fier, Ame m'a expliqué que Fenrir n'était rien de moins que son père, et aussi le Père de toute la forêt.
Le sentiment de peur que j'éprouvais disparut ; de Fenrir émanait une immense bienveillance, semblable à celle qu'un grand-père plusieurs fois centenaire éprouverait pour ses descendants.
Sourdait toujours derrière elle, une animalité prête à bondir sur le moindre danger, mais je compris que je n'avais pas de raison de la craindre.
Avec une pointe d'amusement, la voix gutturale du dieu sylvestre raisonna avec limpidité dans mon esprit, tandis que ses yeux verts étaient rivés aux miens, et ses lèvres immobiles.
Il m'expliqua qu'Ame était le seul petit survivant de toute sa portée, car Brocéliande devait régulièrement faire face à des attaques sauvages des hommes, depuis que le Haut Roi s'était éteint.
De l'esprit loup émanait une grande tristesse, de voir son royaume ainsi bafoué. Je lui expliquais le but de ma venue, allant jusqu'à déposer mes armes à terre.
"
Je sais", répondit-il simplement.
"
Ma demeure est ouverte à tous les visiteurs en quête de la vérité. Mais tous les autres seront chassés."
Et puis, lui et Ame ne furent simplement plus là, me laissant solitaire. Seules les feuilles et la mousse piétinées par leurs pattes me prouvaient que je n'avais pas rêvé.
Maintenant, je dois continuer ma route, si j'espère atteindre le Val sans Retour.
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