A clore s'il vous plait.

"Toi c'est Yoichi c'est ça ? T'es le nouveau non ? Dis, plutôt qu'être seuls chacun dans notre coin, ça ne te dirais pas plutôt qu'on soit seuls à deux ? ^^ "

(Et depuis ce jour nous sommes devenus amis)

Lorsqu'il eu prononcé ces mots, une petite bulle avait immédiatement gonflé dans mon coeur. Toute petite et toute chaude, pleine d'espoir et d'air frais. Je ne serais plus tout seul, j'allais avoir un copain, enfin ! J'avais si peur qu'ils ne me tournent tous le dos, mais non, Charlie lui n'était pas comme les autres, lui il avait vu quelque chose à sauver en moi, quelque chose de beau aussi, peut-être, quelque chose qui n'avait pas été ravagé. Avec lui, je n'allais pas avoir a payer à cause d'un passé que je n'avais pas choisi.


Mais je n'aurais peut-être pas du m'y accrocher comme à une bouée de sauvetage, aussi désespéré qu'un chiot abandonné. Même si c'est exactement ce que j'étais. Il a du le sentir, que pour moi, il était beaucoup plus qu'un simple ami, même "meilleur ami". C'était tout ce que j'avais, et que je refusais de perdre. Et bien évidemment, il a fallut que cela le fasse fuir. Je l'ai perdu en faisant tout pour qu'il m'aime autant que je l'aimais.


Mais qui veut de l'amour débordant d'un animal abandonné ? Généralement, on lui donne un sucre, on le flatte, et on continue son chemin, le lendemain, on l'a oublié.


Charlie, est-ce que tu m'as oublié ?

















" Quand Yoichi est arrivé à l'orphelinat, mes consœurs et moi même n'avons pas su quoi faire pour l'aimer comme il se doit. C'était la première fois que nous étions confrontées à ce genre de cas, et certaines d'entre nous étaient complètement dégoutées, en plus d'être déstabilisées.
Il avait à peine 5 ans, et il n'avait plus ses oreilles... Et lorsqu'on le questionnait sur ce qui s'était passé, il se contentait de répéter "c'est parce que je suis un enfant spécial, c'est mon papa qui me l'a dit !"

Son père, qui l'avait déposé devant les portes encore fermées de l'établissement, en lui promettant qu'ils se reverraient bientôt. "Je t'aime, ne l'oublie jamais ..." Et il avait disparu, laissant son fils, seul au monde dans la brume du matin, se poser des milliers de questions.

En enquêtant un peu sur sa famille, nous avons découvert que le couple Asakawa était un couple uni, terriblement amoureux, désireux d'avoir un enfant. Mais malheureusement, en naissant, le petit Yoichi avait emporté la vie de sa mère. Son père en était presque devenu fou, mais avait tenu a garder son fils auprès de lui. "Je veux devenir un bon père ! Je veux aimer Yoichi comme Reiko l'aurait aimé..." avait-il déclaré en pleur aux médecins réticents à le laisser partir avec le petit.

Résultats, quelques jours après l'enterrement de Reiko, ils disparaissaient tous les deux sans laisser de traces. C'est alors qu'avaient commencé 5 années de cauchemar pour Yoichi.
Dans sa lettre de suicide, son père explique que plus il grandissait, plus l'enfant lui rappelait sa défunte femme. Il lui en voulait tellement de l'avoir "tuée", et il se sentait si seul, que c'est ainsi qu'il avait commencé les attouchements. Puis les viols répétés. Dieu seul sait à quel age Yoichi a réellement perdu ses oreilles. Et quand il fut en âge de demander à son père pourquoi il n'en avait pas, alors que tous les autres enfants à la télé en avait, son père lui disait "c'est parce que tu es un enfant très spécial, je t'aime tellement que tu n'as pas besoin d'oreilles".

Il aimait peut-être réellement son fils, au fond de lui, derrière toute sa haine. Car il a fini par le déposer chez nous, et se jeter sous un train. "Je ne supporte plus ce que je fais à mon fils, la mémoire de Reiko me supplie d'arrêter, mais c'est plus fort que moi, je suis devenu fou ..."

Je donnerais sa lettre à Yoichi à sa majorité, surement. Mais pour l'instant il est encore trop jeune. A la façon dont je le vois trainer dans les rues depuis que le petit Charlie Klose est parti, je me doute que ça serait une très mauvaise idée de lui livrer cette partie de son passé. Il a déjà eu tellement de mal à se faire accepter par les autres enfants, et même par nous, qui sommes pourtant dévouées à Dieu et aux enfants ...
J'ai tellement honte, quand je pense à la façon dont on l'a laissé se faire traiter. Grâce au ciel, Charlie lui avait compris comment s'y prendre, comment faire, comment voir au delà de sa silhouette sans oreilles. Il a pu donner une vraie enfance à Yoichi. Si seulement il n'était pas parti ...

Maintenant c'est tellement difficile. Yoichi se renferme de plus en plus. Avec ses soucis d'adolescent, et le regard des autres toujours aussi pesant, je ne sais pas s'il va réussir à s'en sortir. Seigneur, puisses tu être à ses côtés lorsqu'il s'interroge, lorsqu'il se cherche... et puisses tu le sauver de ses noires pensées. Ou il finira comme son père... "

Mère Marie-Roxanne

Le matin, après m'être levé, je n'attendais qu'une seule chose. Que la cour de l'Orphelinat ouvre ses portes aux enfants du quartiers, pour pouvoir te regarder arriver discrètement, le dernier, par la grande porte, puis t'assoir sur le muret de pierre, et m'attendre. Je descendais alors, le coeur rempli de joie, pour jouer avec toi toute la journée, sans me soucier de rien.
Nous passions nos matinées à lire ou inventer des histoire, et l'après midi à les mettre en scène, à deux. Personne de voulait de nous, je savais que c'était parce que je leur faisait peur. Mais quelle importance, on s'amusait tellement ! Tu m'avais fait comprendre que je n'avais pas à culpabiliser, que tu ne voulais pas d'autres amis, que tu étais bien avec moi.

Il n'empêche que, au delà de ma difformité, j'étais un enfant terriblement banal. Cela n'a pas tellement changé, avec le temps. Avec des oreilles, je n'aurais jamais attiré l'attention. Je n'ai jamais su m'exprimer correctement en public, je n'ai jamais brillé à l'école, j'ai toujours été naïf et maladroit. Alors que toi, tu étais surdoué, tellement intelligent, et tout le temps premier en tout.
Quand tu m'as annoncé que tu allais essayer d'obtenir une bourse pour entrer dans un collège privé très réputé, je me suis senti mourir intérieurement. Mais très vite, mon esprit a occulté cette nouvelle. Puis tu ne m'en as plus trop reparlé, tu voyais que cela me rendait nerveux. Tu as continué de jouer avec moi, le petit orphelin stupide, alors que dans ta tête tu voyais déjà beaucoup plus loin. Tu m'as caché que tu as obtenu ta Bourse, que tu as brillamment réussi le concours d'entrée, que tu as été accepté à la première place. Tu es venu jouer avec moi même la veille de ton départ pour la grande ville. Et le soir, en repartant, tu m'as gentiment dis "A demain !"

Tu m'as souris, puis tu as disparu de ma vie.