Gariath: Devine qui vient squatter ce soir ? p.42

A huit heures, nous partîmes en direction de la banlieue ouest de la ville, un quartier résidentiel simple mais coquet, implanté autour de la grande université d’Hélios. Les rues était propres, décorées de fleurs et les immeubles bas, construits après la Grande Guerre avaient gardé le même style que les imposants bâtiments qui composaient le campus. Quelques étudiants flânaient çà et là, profitant de la fin des cours et de la douce chaleur du soir. C’était un endroit serein, empli d’une sagesse perdue et je me plus à m’imaginer, après mon Service Ssi’anique, m’installer dans l’une de ces résidences et servir dans la plus grande bibliothèque de l’Empire, après celle du Palais Impérial.

Nous gravîmes les marches d’une étroite maison de briques blanches, semblable à toutes les autres. A l’intérieur raisonnait des voix, dont une qui m’était familière. C’est alors que je remarquais, postés sur un banc face au porche, un homme à l’air sombre, lisant un journal. Plus loin, deux hommes à la mine aussi sérieuse buvaient un verre à la terrasse d’un petit café, jetant de temps à autre un regard furtif vers nous. Je connaissais ces personnes, tout du moins de vue et je compris alors la nervosité de mon maitre… Mais pas encore sa joie.

La porte s’ouvrit sur un homme à la chevelue d’argent, dont le sourire aurait fait fondre le plus solide des métaux. Il nous introduisit chez lui d’une voix chantante dont l’accent roulant m’était indéterminable. Peut-être l’accent des Terres de Nord ? C’est alors que je me souvins de cet homme. Comment avais-je pu oublier ce nom que j’avais lu si souvent dans les chroniques de la Grande Guerre. Sir Lunghirat Lodareth, héros de la résistance qui avait fait tomber le cruel Empereur Gehn et dont les exploits étaient étalés en toute lettre dans mes livres d’histoire. Lun les Deux Lames, le plus fameux bretteur des Terres Réunies qui avec une poignée d’hommes avait pris d’assaut la citadelle du Kergel Lan et avaient sauvés la sœur de la défunte Impératrice. Comment ma mémoire avait-elle pu me faire défaut à ce point ?

« Merrrrrrick ! Tu es venu ! Quel plaisirrr pour moi de pouvoirrr prrrofiter de ta prrresence. Entrre donc. Toi aussi… Jassen, c’est bien ça ? » Tout en parlant il avait débarrassé mon maitre de sa veste et le poussait doucement vers le salon d’où provenait des éclats de rires. « Compagnons, devinez qui a finalement est sorrti de son antrrre pourr nous ? »

« Je crois que je lui ai un peu forcé la main. » Caché par le dos de mon Maitre et celui de sir Lunghirat, je ne pouvais voir à qui appartenait cette voix, mais je la connaissais bien. Mon maitre fût conduit à un siège et je me retrouvais nez à nez avec l’Empereur en personne ainsi qu’un autre homme, à la crinière et la barbe flamboyante qui arborait un large sourire en direction de mon maitre.

« Merrick…. Cela faisait si longtemps. » Sa voix était basse et enveloppante. Il s’avança vers mon maitre et le plus naturellement du monde le pris dans ses bras. Toute sa tension s’envola alors et il se sera lui aussi contre l’homme, murmurant un flot de paroles dont je ne compris pas tout le sens, mais j’y distinguais une immense gratitude. L’homme le repoussa un peu pour l’examiner de la tête aux pieds, gardant ce sourire protecteur qu’il arborait depuis le début. « Tu as l’air en forme. » Il glissa son regard vers moi et me fit un clin d’œil. « Je vois que tu as trouvé quelqu’un pour prendre soin de toi. »

Maitre Merrick repris un peu ses esprits et secoua la tête, les joues rosies par l’émotion. « Oui, enfin on l’a trouvé pour moi… »

« Laisse-moi deviner. Lucy ou Dicha ? » Il lui tapota la tête comme on l’aurait fait pour un enfant et retourna à son siège, balayant la pièce du regard, à la recherche de quelque chose. « Teryl ? Mais où est-il encore passé ? »

« Les deux… Mais je les en remercie, Jassen est un très bon ssi’an, fidèle et prévenant. » Et il fit un geste vers moi pour que je prenne place à ses côtés. Je ne l’avais encore jamais entendu me complimenter face à qui que ce soit et je me sentais un peu étourdi par tant d’éloges. La main douce de maitre Merrick sur ma joue me fit frissonner de plaisir mais je continuais à observer cet homme étrange qui paraissait avoir tant d’importance aux yeux de mon maitre. « En parlant de Lucianus, il ne pourra pas venir. Il est reparti sur Sigmée, pour quelques semaines, s’occuper un peu de ses sœurs et s’aérer l’esprit. Il vous prie encore de l’excuser. »

« Je comprends, j’espère le revoir bientôt. Maintenant que Lungh a réussi, à force de persuasion à me faire revenir à la ville… Lungh ? Tu as vu Teryl ? » Il s’était relevé, allant jusqu’à la porte du salon pour jeter un œil dans le couloir sans perdre le fil de sa conversation. « J’ai eu des nouvelles de Ioline récemment. Elle travaille au Sanctuaire de Kadalmer à présent. »

« Oui, elle se plait beaucoup là-bas. L’air de l’océan lui fait du bien. » Bien qu’il ne l’ait pas vu depuis des années, Lord Merrick entretenait une correspondance soutenue avec sa jeune sœur, parlant toujours d’elle avec fierté. « Elle va peut-être même devenir administratrice secondaire d’ici la fin de l’année. »

« Elle sera parfaite à ce poste. » Lord Jinas échangea quelques paroles à voix basses avec quelqu’un dans le couloir avant de retourner à sa place. « Elle passera peut être quelques jours chez moi pour les célébrations d’hiver de Gida. Si tu le souhaites tu es aussi le bienvenu. »

Le tintement des verres que portait un garçon au visage criblé de taches de son interrompit ma transe. Il posa le plateau sur la table basse et couru se lover dans les bras de cet homme dont je ne connaissais pas le nom. Son sourire et la tendresse qu’il mettait dans ses geste pour caresser les cheveux de son ssi’an me rappelaient quelqu’un. Etrange vision que celle de cet inconnu discutant à bâtons rompus avec l’Empereur et Maitre Merrick, comme si ils étaient les plus vieux amis du monde. Mais qui était-il, lui qui avait eu le plaisir de connaitre Dame Ioline que moi-même je n’avais jamais vu que sur quelques clichés jaunis que Maitre Merrick conservaient précieusement dan son bureau ?

A nouveau mes réflexions furent stoppées, cette fois ci par le bruit de la cloche à l’entrée. Sir Lunghirat s’empressa d’aller ouvrir et réapparu, à ma grande stupeur accompagné de Lord Dante et Haru. C’est seulement quand il entra dans la pièce que l’identité de l’inconnu assis face à mon maitre me frappa.

« Qu’est-ce que tu fais ici ?! » La voix de Lord Dante me fit sursauter. Elle était dure et sèche, vibrante d’une colère contenue. « Sir Lunghirat, veuillez m’excusez mais je ne peux rester. »

« Allons, allons Dante, rrreste, fait moi au moins l’honneurrr de goûter à ma cuisine. Aprrès tout le mal que je me suis donné pour prréparrer ce rrepas, c’est la moindrre des choses. Et puis considèrre cela comme mon cadeau. On n’a pas tout les jourrrs cent ans… Et je crrrois que Jinas a beaucoup de choses à dirre ce soirr.»

Jinas ? Lord Jinas Monh Det’Yahl ?! Le père de Lord Dante. Décidément cette soirée était pleine de surprises. Il était avec Sir Lunghirat et l’Empereur Palacius, à la tête de l’armée renégate qui avait changé le cours de l’histoire Garianne. J’en restais bouche bée, ne perdant pas une miette de leur conversation.
La suite là bas, car ça fait quand même un bon pavé et je ne veux pas surcharger le forum....